Le festival international de films LGBTQ de Montréal, Image+Nation, va encore plus loin pour sa 31e édition, du 22 novembre au 2 décembre 2018. On s’attend à une semaine surprenante et à des films de qualité. D’année en année, les cinéphiles montréalais avides d’une meilleure représentation LGBTQ se donnent rendez-vous au festival qui ne cesse de grandir. Pour constater moi-même l’engouement autour d’Image+Nation, j’ai décidé d’assister à quatre de leurs soirées. J’écrirai donc, au courant de la semaine, quatre critiques de leurs films (ils en présentent 40 en tout) : deux en anglais, deux en français, selon la langue des films choisis, à l’image de l’aspect bilingue et international de l’événement.
Rendez-vous (un peu) manqué pour Sauvage, samedi 24 novembre à l’Impérial
Plutôt que de commencer ma série d’articles avec le très couru film d’ouverture, Plaire, aimer et courir vite, j’ai opté pour la projection de Sauvage, film français, le dernier de la soirée, samedi, à l’impérial. Il s’agit du premier long-métrage de Camille Vidal-Naquet, avec Félix Maritaud dans le rôle principal. On avait découvert l’acteur avec son rôle de Max dans 120 battements par minute l’an dernier, qui avait eu un succès monstre, remportant notamment le Grand Prix à Cannes et le César du meilleur film. On s’attendait donc à un retour prometteur pour Maritaud, qui incarne cette fois Léo, un prostitué de 22 ans, errant, torturé, courant les rues d’une grande ville française aux prises avec des problèmes de santé, de drogues et d’argent.
En effet, l’engouement était là. La salle était pleine à craquer. Le film s’est même généreusement fait applaudir et a reçu de vives réactions, toutes positives, principalement lors de ses quelques scènes où l’intimité frôlait l’absurde. On en devenait parfois déstabilisé. Bon coup, alors, pour Vidal-Naquet qui porte à l’écran le quotidien d’un jeune travailleur du sexe.
Toutefois, pour ceux qui s’attendaient à voir un film original ou réellement représentatif des réalités du milieu, le rendez-vous a été manqué.
«Il ne s’agit pas d’une étude sociologique […] Le réalisateur s’est permis certaines libertés», a d’ailleurs dit Maritaud, monté sur scène à la fin de la soirée, spécialement venu de Paris. Même s’il affirmait aussi que le réalisateur s’était inspiré de réelles histoires d’hommes et de femmes travaillant au tristement célèbre Bois-de-Boulogne, on n’y croyait pas vraiment.
«Si Irène me voyait», a dit un client sexagénaire au garçon «sauvage»… Encore la même histoire. Puis, bien-sûr, des clients arabes à la sexualité refoulée, très exigeants et dominants, refusant de payer pour leurs services. Léo est ensuite tombé amoureux d’un autre homme, lui aussi prostitué, mais hétérosexuel, servant également les clichés, non-seulement de l’amour impossible chez les jeunes gais, mais aussi des «sugar daddies». Ce dernier finit en effet par quitter celui qui l’aimait pour suivre un vieillard richissime en Espagne... «Trouves toi un vieux, c’est ce qui peut nous arriver de mieux», finit-il par lui dire. Il en va de même pour les scènes de fêtes à la discothèque ou lors des discutions entre les travailleurs du sexe, on a l’impression de déjà vu, dans d’autres films, tous un peu déconnectés de la réalité.
L’amalgame de clichés représentés dans Sauvage ont nui à la proposition du film, et semblaient plutôt servir une version fantasmée du monde de la prostitution masculine.
Malgré ses dénouements prévisibles et parfois durs à suivre (le protagoniste s’emmêle dans quatre histoires en même temps), Sauvage finit quand même par plaire. Le film fait preuve d’une photographie bien maîtrisée. Les images et les couleurs reflètent efficacement l’esprit troublé du personnage, brillamment joué par Maritaud.
Si Camille Vidal-Niquet avait traité de son sujet différemment, j’aurais assurément préféré son film qui, tout de même, débute joliment sa carrière de cinéaste.
Le court-métrage présenté juste avant, Wren boys, de Harry Lighton, mériterait aussi d’être salué. Représentant avec justesse, en 10 minutes qu’on ne voit pas passer, le mariage entre un prisonnier et un civil, il a su être drôle et touchant, là où on ne s’y attendait pas. Il mérite clairement sa nomination aux BAFTA.
Restez à l’affût, mes prochains articles concerneront Queerement Québec, lundi le 26, Postcards from London, jeudi 29, puis Mapplethorpe, vendredi le 30.
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