Festival Chromatic célèbre 10 ans d'art et de musique

Le festival Chromatic d’art et de musique célébrait son dixième anniversaire en grand cette année, avec une plus vaste programmation et un parcours d’exposition atypique.

En entrant dans l’ancienne usine de confiture au cœur du Village gai, à la soirée d’ouverture le 11 mai, on comprenait rapidement d’où venait l’engouement pour cette semaine d’expositions, de conférences, de films et de musique électronique. Le bouquet d’artistes et de DJs invités était à l’image du public, jeune et dynamique.

« À la base, l’équipe étudiait en stratégies de productions culturelles à l’UQAM, » a précisé Arthur Gaillard, directeur de l’événement, « et souhaitait  offrir une plateforme pour que leurs amis artistes puissent exposer leur travail. Le festival n’a pas cessé de grandir depuis. »

Chromatic compte maintenant six jours de conférences (plutôt que trois) sur l’industrie culturelle et le milieu des arts à Montréal, et a ajouté cette année une matinée gratuite pour les étudiants universitaires désireux d’en apprendre davantage sur l'entrepreneuriat culturel.

Gaillard se dit « très fier » d’avoir frappé quelques grands coups cette année, accueillant notamment, pour son talk de clôture du vendredi 17 mai, le collectif d’artistes québécois BGL, qui rendent leurs apparitions publiques très rares. L’exposition de photos colorées et ludiques TOILETPAPER, une création de Pierpaolo Ferrari et du très controversé Maurizio Cattelan, est autre fierté du festival. Elle demeurera gratuite et ouverte au public jusqu’en septembre 2019 à la galerie Blanc, un espace dédié aux arts visuels sur la rue Sainte-Catherine, sous les boules multicolores, dans le cadre du festival Aires Libres. Pierpaolo Ferrari était d’ailleurs présent à l’Usine C le samedi 11 mai pour discuter de son collectif  et du magazine TOILETPAPER, qui a inspiré l’exposition Montréalaise.

C’est cependant l’utilisation sur-mesure des lieux du festival qui fait de Chromatic un événement incontournable dans l’écosystème montréalais chaque année. Plutôt que d’essayer de trop transformer l’édifice, l’équipe organisatrice a bien exploité l’architecture de l’Usine C, principalement dédiée à sa programmation de danse et de théâtre, et a investi ses loges et son sous-sol pour l’exposition d’arts visuels.

Le résultat a beaucoup plu. À la soirée d’ouverture, alors que l’ambiance était à la fête, le public semblait apprécier se balader au travers les étroits couloirs de l’usine, éclairés de néons et ponctués d’œuvres d’art. Vers minuit, les espaces d’exposition ont fermé et ont fait place aux scènes de musique électronique. L’ambiance était réussie.

Le hic, c’est qu’en visitant l’exposition pendant la soirée, on pouvait se demander si elle servait autre chose que l’ambiance, justement. Le festival ne rend pas très clair ce qui rassemble les œuvres présentées et ne définit ni sur place ni en ligne ses choix artistiques.

« Nous avons d’abord voulu présenter des œuvres qui traitaient du thème du pouvoir, qui ratisse assez large, » a dit Gaillard, lorsque questionné sur la programmation de cette année, « puis on a laissé d’autres commissaires nous proposer leurs coups de cœur, et on a donné beaucoup de liberté aux artistes.»

Gratuite et ouverte au public tous les jours de la semaine jusqu’au 17 mai, l’exposition principale à l’Usine C se présentait comme un amalgame de médiums, de points de vue et d’esthétiques. Cela est devenu à la fois son principal atout et son pire défaut. On ne savait pas comment aborder l’exposition, ni pourquoi on nous la présentait ainsi. Le public était laissé à lui-même et avait plutôt l’impression de croiser quelques œuvres d’art aléatoires (bien que certaines d’entre-elles étaient magnifiques ou vraiment intrigantes) dans un univers plus proche des boîtes de nuit que des foires d’art.

Une visite à l’exposition de Chromatic en vaut quand même la peine, puisqu’on y présente des artistes d’ici et d’ailleurs, reflétant bien la variété de pratiques émergente en art contemporain au Canada. On pense par exemple à la présence de l’artiste torontoise Winnie Truong avec ses œuvres sur papier, aux peintures de Brian Rideout, ou à la sculpture très personnelle de Rajni Perera.

De nouveaux talents d’ici ont aussi été à l’honneur, tels que Trevor Baird, artiste récemment diplômé en céramique à Concordia, Lucas LaRochelle, venu présenter son site web participatif Queering the Map, ou encore Gab Bois, star locale de la photographie qui s’est fait connaître sur Instagram.

Alliant des DJs bien établis dans les soirées montréalaises (notamment softcoresoft, Silktits et Jaymie Silk) et une programmation artistique variée comme personne ne sait le faire, le festival Chromatic continue donc, 10 ans plus tard, de plaire à son public. Certes encore nichée, la portée de l’événement s'élargit, mature, et se diversifie.


Olivier Du Ruisseau est l'animateur du Friday Franco Show, en onde vendredi à 1:00 p.m.